C’est la lecture d’un communiqué publié par la Ligue des droits de l’Homme qui a porté mon attention sur l’apparition d’une nouvelle pratique à l’école : la méditation pleine conscience (MPC). Pour l’instant mise en œuvre à titre expérimentale, certaines personnalités politiques tel que le député LREM Gaël Le Bohec défendent sa mise en place en argumentant sur ses prétendues vertus : l’amélioration du niveau des enfants et réduction des inégalités. Des allégations que questionne vigoureusement la ligue des droits de l’Homme qui demande au ministre de l’Éducation nationale de renoncer au projet d’initiation à la MPC dans l’école publique.
La Loi de 1905
Elle est invoquée par la ligue des droits de l’Homme qui déclare que la pratique de la MPC à l’école publique en constitue une violation.
« L’entrée de la MPC, pratique problématique directement liée à des spiritualités et des croyances, dans l’école publique vient tacler de plein fouet l’un des textes emblématiques de notre démocratie : la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, de 1905, qui codifie très précisément la laïcité en France. »
Communiqué de la LDH
Si l’affirmation d’une incompatibilité radicale de la MPC avec la laïcité peut paraître extrémiste, elle nous met néanmoins en garde sur l’introduction à l’école d’une pratique qui dépassent les prérogatives de l’éducation nationale telles qu’elles sont évoquées dans le code de l’éducation :
- Transmettre et faire acquérir des connaissances
- Préparer à la vie professionnelle
- Éduquer les futurs adultes à être citoyens et à vivre ensemble
- Viser l’égalité entre élèves dans la réussite éducative.
La méditation pleine conscience, plus qu’une thérapie psychologique, peut être rattaché à une forme de spiritualité, ne serais-ce que par ses origines qu’elle puise dans la religion bouddhiste. Une spiritualité modernisée : débarrassée de dogme et ancrée dans la réalité du quotidien. Cette pratique vise le développement d’un rapport à soi apaisé, en ce sens elle invite l’individu à se recentrer sur lui-même, sur ses sensations, à faire irruption dans sa propre intimité dans un moment de parenthèse spécifique.
Ce moment doit-il avoir lieux à l’école ?
L’intimité et la scolarité
Si l’école est indéniablement un lieu de contrôle (du corps, de l’esprit) ou l’enfant se forme et se conforme aux exigences sociales pour prendre place dans la société où sont les limites de l’irruption de l’école au sein de l’intimité de l’élève ?
En invitant (entendez contraignant) les élèves à pratiquer la MPC lors de créneaux spécifique, l’école leur demande d’entrer dans une forme de rupture avec les pratiques habituelles de la scolarité. Elle oblige un recentrement, une attention particulière qui confronte l’élève à sa propre psyché, à ses sensations immédiates. Cette confrontation intime peut-elle se faire dans un cadre scolaire potentiellement stressant, ou des rapports de domination ou de manipulation problématiques peuvent être présent entre les élèves ou avec l’enseignant ? Comment s’assurer que sur certains élèves atteints de troubles psychologiques graves (trauma, psychose etc…) ne seront pas négativement impactés par de telles pratiques comme le suggèrent certaines études ? Comment s’assurer que la MPC n’empiète pas sur les autres pratiques spirituelles de l’élève, notamment religieuses ?
Toutes ces questions invitent à la prudence.
L’école sa réalité, ses inégalités
Cette proposition d’inclusion de la pratique de méditation pleine conscience apparaît comme un cheveu sur une soupe au gout amer : l’école française reste encore et toujours un lieu marqué par les inégalités. Les élèves ayant des troubles psychologiques sont rarement correctement pris en charge et l’école n’est pas toujours synonyme de bien être et d’épanouissement pour les écoliers. Les enseignants sont souvent mal formés pour réagir à l’échec scolaire ou à la détresse sociale de certains élèves. Les pratiques pédagogiques et les programmes peinent à former des citoyens émancipés, curieux et critiques face au monde.
La proposition de MPC au sein de l’école apparaît comme déracinée des réalités quotidienne des élèves et des enseignants.
Ne faudrait-il pas avant tout prendre pleine conscience des véritables problématiques de l’école française, avant d’envisager des programmes pseudo-avant-gardiste ?
Plus d’informations / Sources :
https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2021/06/CP-LDH-meditation-25-06-21-1.pdf
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000508749/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pleine_conscience